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La rétrospective 2018 d'un zoïle, version vidéo

En mars dernier, je me suis offert un cadeau d'équinoxe : une GoPro Hero 6. Je sais, je suis prodigue à un point qui frôle l'irrévérence, mais je l'ai (au moins) achetée avec un objectif en tête, à savoir mieux faire connaître la réalité d'un cycliste urbain à Québec. Je vous offre ici une rétrospective de ma saison cycliste 2018, agrémentée d'une petite analyse.

Note importante

Étant donné qu'il est possible que ce billet et la vidéo liée génèrent un certain intérêt, je me permets de rappeler quelques éléments importants aux nouveaux lecteurs :

  • Non, je ne soutiens pas que tous les cyclistes sont des saints ou qu'ils ne commettent aucune infraction;
  • non, je ne soutiens pas que tous les automobilistes sont des dangers publics;
  • non, je ne soutiens pas que tout incident (où un usager de la route prend la priorité d'un autre) est de nature à remettre en question le droit de cette personne à utiliser la route (des erreurs, ça arrive);
  • non, je ne soutiens pas que le respect du Code de la route par les cyclistes devrait être conditionnel à celui des automobilistes -- et vice-versa, ce genre de raisonnement est stupide dans les deux sens;
  • non, je ne soutiens pas que d'être un cycliste à Québec équivaut à risquer sa vie sans arrêt;
  • non, je ne soutiens pas que d'avoir un permis de conduire et une automobile est une injure lancée à la face de la planète, j'ai moi-même un permis de conduire depuis plusieurs années.

Ce que je soutiens, avec cet article (tout comme avec le reste de mon blogue, d'ailleurs), c'est que les cyclistes n'ont pas le monopole de la délinquance, qu'il y a du travail à faire des deux côtés et que non, les automobilistes ne sont pas plus punis que les cyclistes dans ce genre de situations.

Préambule

J'écris beaucoup, c'est un fait. Même lorsque je dis être "bref", je me retrouve avec des pages et des pages de charabia élucubrastique (et oui, j'invente de nouveaux mots au fil de mes envies) qui peuvent être, je l'admets sans peine, un peu difficile à suivre pour le lecteur n'ayant pas ma capacité cérébrale à sauter sans cesse du coq à l'âne au travers de phrases sans fin qui ne sont dues qu'à ma vanité de vouloir ressembler à Victor Hugo. À ce sujet, on notera au passage que ces efforts restent jusqu'à ce jour totalement infructueux, j'ai plus l'impression de ressembler à un Denis Drolet sur l'acide, mais passons.

Le fait est qu'il est difficile de narrer l'expérience d'un cycliste. Si j'écris que quelque chose est "dangereux", "préoccupant" ou "inconfortable", même le lecteur de bonne foi peut très bien avoir une certaine difficulté à se représenter réellement ce que ressent un cycliste. L'idéal serait que je puisse amener chaque lecteur en vélo avec moi, mais cela pose quelques contraintes d'ordre pratique. Cet été, je me suis dit que je pourrais au moins vous faire voir le quotidien d'un cycliste.

C'est donc pourquoi je me suis pourvu d'une caméra fixée à mon guidon et capable de fonctionnement autonome. Elle filme raisonnablement bien en basse luminosité et possède un utile dispositif de stabilisation d'image. À chaque fois que j'enfourche mon vélo, je la démarre et elle enregistre tous mes trajets. Il est évident que la très grande majorité de ces heures filmées ne présentent pas un grand intérêt, et c'est très bien ainsi : je suis heureux de ne pas risquer ma vie à chaque minute. Toutefois, il y a plusieurs éléments récurrents dans les interactions avec les automobiles lors de mes trajets et j'ai concocté un concentré de ces situations problématiques. Sans plus attendre, voici donc 11 minutes de rétrospective vidéo :

Je me permets de répondre tout de suite, à chaud, à certaines critiques potentielles :

  1. C'est bien beau tout ça, mais au final il y a très peu de moments où tu as réellement frôlé l'accident, la plupart du temps tu as nettement suffisamment de temps pour réagir. Vrai. On pourrait cependant reformuler cette critique comme je ne suis pas un maniaque et ne désire pas mourir uniquement pour que mes héritiers puissent dire que j'étais dans mon droit. Évidemment que lorsque je vois un véhicule s'apprêter à tourner à gauche en me coupant, je freine. Évidemment que lorsque je constate que le véhicule devant moi conduit de manière erratique, je garde mes distances. Évidemment que lorsque je pressens qu'une automobile ne fera pas son arrêt obligatoire, je freine. Si vous observez attentivement les différentes situations, vous constaterez que je réduis souvent ma vitesse avant de me faire réellement couper ou frôler. J'ai assez d'expérience pour avoir une sorte de sixième sens là-dessus, instinct qui, avec l'aide de mon rétroviseur, m'évite généralement d'avoir à effectuer des manoeuvres d'urgence. Ça ne rend pas pour autant acceptable le comportement des autres véhicules. Prenons le point de vue inverse et imaginons un cycliste qui coupe un automobiliste. Supposons que l'automobiliste est attentif et a pu le voir venir, ce qui lui a permis de freiner bien avant de risquer réellement l'accident. Iriez-vous soutenir que le comportement du cycliste est dans ce cas acceptable? Bien sûr que non.
  2. Si tu roulais sur des pistes cyclables, cela n'arriverait pas. Au delà de l'incohérence manifeste de cette critique (je tiens mordicus à ce que les cyclistes respectent à la lettre le Code de la route, mais je questionne également des comportements parfaitement légaux en égard à celui-ci), le fait est que l'extrême majorité de ces cas se sont produits sur des parcours cyclables officiels. Et pourtant...
  3. Commence par respecter les lois, ensuite les automobilistes te respecteront. Mettons de côté le "léger" problème que j'ai à entendre soutenir que le respect d'une loi devrait pouvoir être conditionnel selon nos envies et concentrons-nous sur la critique des cyclistes ici. Dans cette vidéo, je ne contreviens au code de la route à aucun moment. Oh, je ne doute pas que certains le croient : j'en entends pousser de hauts cris lorsque je me décale sur la voie de gauche pour tourner. Pourtant, cela est parfaitement légal (je signale également avec le bras, soit dit en passant). De même, rien ne force un cycliste à littéralement frôler la bordure du trottoir, l'article 487 dit seulement que le cycliste doit rouler aussi près que possible de la bordure ou du côté droit de la chaussée et dans le même sens que la circulation, en tenant compte de l’état de la chaussée et des risques d’emportiérage. J'ai également des lumières que j'allume dès que le ciel s'assombrit (on peut les voir clignoter sur les panneaux de signalisation à quelques reprises dans la vidéo). Et pourtant, il semble que ce ne soit pas suffisant. Je trouve particulièrement éloquantes les situations où je me fais couper ou dépasser dangereusement après avoir attendu à un feu rouge : dans la plupart des cas, j'aurais eu des dizaines d'occasions de passer sur le feu rouge, illégalement certes, mais de manière bien plus sécuritaire que ce qui s'est produit après alors que je suivais la démarche légale. Clairement, ce n'est rien pour motiver les cyclistes à respecter le Code de la route...
  4. Arrête de te considérer meilleur que tout le monde. Tu es moins lourd que les autos? Conduis en conséquence et cesse de te plaindre lorsque tu te fais frôler, si tu es trop peureux pour accepter ça, tu ne devrais simplement pas être là. Autre argument régulièrement entendu (on se rappellera la célèbre comparaison entre les cyclistes et des moustiques, entendue sur les ondes d'une radio privée que je m'abstiens de nommer) et probablement le plus dangereux de tous, puisqu'il sanctifie la conduite dangereuse. Qu'importe que le cycliste respecte la loi, que l'automobiliste non, que le cycliste roule à un endroit donné parce qu'il y est forcé et que l'automobiliste fasse une manoeuvre dangereuse : ce sera toujours la faute du cycliste. Personnellement, ceux qui tiennent cette position m'indignent au plus haut point. Elle est illégale (pas besoin d'aller loin, l'article 3.1 du Code de la sécurité routière dit précisément l'inverse...), illogique (si une voiture embarque sur le trottoir et fauche des piétons, c'est aussi la faute des piétons?), incohérente (les cyclistes devraient s'aplatir -- littéralement -- face aux automobilistes parce que ces derniers sont plus gros, mais pas question pour ces mêmes automobilistes de laisser une chance aux camions?), irrespectueuse (oui, on en manque de respect sur la route) et, disons-le franchement, imbécile (je me permets en effet de qualifier d'imbécile toute personne soutenant qu'une vie humaine vaut moins que 10 secondes de délai pour un autre humain). Comme on peut le voir dans la vidéo, je ne risque pas ma vie pour le principe et conduis toujours avec prudence, mais je ne vais pas non plus éviter des pans entiers de la ville simplement pour faire plaisir à quelques zigotos qui se valorisent encore par la grosseur de leur engin.

D'accord, mais au final, que doit-on en retenir?

Je n'essaie pas de monter un dossier contre les automobiles, non plus que je ne prétends dresser un portrait global et impartial de la situation : je ne montre ici qu'un seul côté de la médaille, celui des cyclistes, mais je pense que c'est une perspective qui mérite d'être mieux connue. Mon but est simplement que les gens s'aperçoivent que leur conduite envers les cyclistes, qu'elle soit volontaire ou non, a un impact sur la manière dont les cyclistes voient leur place sur la route. J'ai bien de la difficulté à convaincre des comparses de ne pas passer sur un feu rouge désert lorsqu'ils se font par ailleurs couper dès l'arrivée de la verte.

Je l'ai dit en introduction : il n'est pas question de poser des conditions au respect des lois. Mais il est important, en tant qu'automobiliste, de se mettre à la place des cyclistes qui n'ont ni les protections, ni la puissance d'une voiture, mais qui contribuent positivement à de nombreux aspects de la société (réduction du trafic, amélioration de la santé, réduction des accidents graves, etc.). Attendre cinq secondes avant de doubler un cycliste pour pouvoir le faire sans danger n'est rien en regard de ce que vous risquez en passant quand même sans vous soucier de sa sécurité. Pensez-y donc deux fois, lorsque vous voyez un cycliste : contrairement à ce que certains suggèrent, loin d'être vos ennemis, nous sommes vos alliés...

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